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  • Photo du rédacteurRomain Moreau

Pédagogie de la musculation

Lorsque j'étais étudiant en STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) et que j'arpentais la bibliothèque universitaire de Paris X pour préparer le CAPEPS, j'ai toujours été frappé par le nombre de manuels pédagogiques destinés à chaque activité sportive. En natation, il y avait des ouvrages pédagogiques d'époques tellement diverses qu'on doit pouvoir trouver l'histoire de la pédagogie de la natation.


En musculation, en revanche, la littérature universitaire semble se limiter à des considérations physiologiques concernant l'adaptation du muscle. Sans doute parce que du point de vue des autres sports, la musculation est un moyen et non une fin. Or, le culturisme (volonté d'accumuler de la masse musculaire et de perdre du gras) fait de la musculation une fin en soi.

Alors en cette période de (second) confinement, je me lance dans un petit article de pédagogie de la musculation, fort de plus d'une décennie de coaching auprès d'adultes d'une forte diversité d'âge, d'expérience, de représentations, de motricité et de ressources physiques.


Cet article sera organisé dans les trois composantes de la performance d'un sport : la composante affective dans la première partie, la composante motrice dans la seconde partie, et enfin de la composante physique qui est la finalité de ce sport particulier.


1/ La composante affective, le préalable.


Vous avez déjà senti vos jambes trembler en altitude ou sur des skis? Dans une situation affectivement engageante, il est normal de perdre nos moyens physiques. Ce problème se pose aussi en musculation. Sous une barre de musculation, nous ne sommes affectivement pas égaux.


Pour schématiser, deux profils sont possibles :


- le pratiquant "tétanisé" qui ressent la peur de s'écraser sous la barre ou juste de se faire mal.


Signes du pratiquant qui a peur : besoin que le coach soit très près (et prêt) de lui pour commencer; ferme les yeux pendant l'effort; accélère ou ralentit les mouvements de façon abusive; détérioration de la technique dès la première répétition.


Pour ce premier profil, il convient de mettre en réussite le pratiquant en insistant sur la répétitions de séries légères afin de pouvoir transmettre des consignes sans "parasitage" affectif. Nous abuserons des feedbacks positifs. De temps en temps, il ne faut pas hésiter à s'éloigner de l'action (tout en gardant un oeil attentif bien sûr) afin de lui faire gagner en autonomie.


- le "kamikaze" qui n'aura peur de rien même si c'est dangereux (et oui, objectivement, rester coincer sous une barre ou se faire mal au dos est un risque réel).


Signe du pratiquant "kamikaze" : très volontaire, il commence les séries avant même les consignes; accélère les répétitions à la recherche d'une performance immédiate sans se soucier de la technique.


Pour ce deuxième profil, il convient déjà de rester très proche de l'action. Je conseille aussi de donner du sens aux consignes, principalement pour éviter les blessures. Par exemple, on explique l'intérêt de ralentir les négatives pour sa santé articulaire. A celui qui n'a pas peur, il faut prendre le contrepied et lui faire un peu peur en expliquant les risques encourus.


Dans tous les cas, la composante affective est à prendre très au sérieux dès le départ afin de ne pas entraver l'apprentissage technique, qui est abordé lors de la seconde partie ci-dessous.


2/ La composante motrice : du mouvement à la connexion cerveau-muscle.


Dans la plupart des sports, les pédagogies modernes laissent le pratiquant trouver lui-même les solutions motrices, le professeur intervient seulement comme ressource pour l'aider à trouver lui-même le bon geste. Ce n'est pas ma façon de procéder en musculation.


Le débutant doit d'abord apprendre un mouvement sûr, qui lui évite de se blesser.

Pour se faire, j'utilise d'abord l'apprentissage par observation : le coach démontre l'exercice. Je le répète, il ne s'agit pas ici, comme pour d'autres sports, de laisser le pratiquant trouver le geste par lui-même. En effet, un mouvement approximatif pourrait se révéler catastrophique pour sa santé articulaire.


Dans un second temps, je recommande d'enchaîner les séries à charges légères afin d'automatiser le geste. "L'apprentissage, c'est la répétition"

Selon la vitesse d'apprentissage, j'utilise parfois des charges un peu plus lourdes dès la première séance, mais sans excès afin de ne pas traumatiser des articulations qui ne sont pas encore préparées à l'activité.


Tout au long de l'apprentissage, j'utilise :


- quand ça va : les théories béhavioristes avec des feedbacks positifs.

- quand ça ne va pas : les théories cognitivistes, de façon simple, en demandant ponctuellement : "que penses-tu de ton mouvement?". Parfois, si ce n'est pas suffisant, il est possible de filmer le pratiquant afin de lui faire prendre conscience de ce qui ne va pas.

(Note pour le coach débutant : Plus le pratiquant aura compris le geste, moins vous vous fatiguerez à répéter les mêmes consignes. Et répéter les mêmes consignes 8 heures par jour peut-être très fatiguant, croyez-moi! Alors, expliquez le pourquoi du comment)


Lorsque le mouvement est maîtrisé, avec des profils avancés, je continue l'apprentissage moteur par un affinage du geste en faisant appel au ressenti musculaire. Il s'agit de sentir les muscles se contracter, appelé "connexion cerveau-muscle" que nous tentons d'améliorer. C'est un apprentissage très fin qui témoigne d'un excellent apprentissage moteur et qui est sans cesse en évolution. Même les pratiquants les plus confirmés sont encore dans cette phase d'apprentissage qui n'est jamais terminée. Pour ce faire, nous pouvons demander au pratiquant de : fermer les yeux afin de ressentir les muscles qui travaillent, toucher la zone musculaire qui travaille. On peut aussi répéter le geste dans sa tête avant l'exercice. Le maître-mot est la concentration. Une progressivité plus accrue dans les charges d'échauffement peut aussi aider.


Les deux premières composantes que nous venons d'aborder (affectives et motrices) sont les outils permettant d'atteindre la finalité de la musculation : la composante musculaire.

3/ La composante physique, finalité de la musculation


La composante physique en musculation revient à développer un maximum de masse musculaire tout en étant le moins gras possible. Ce processus étant très lent (au désespoir de tous les pratiquants), le rôle du coach est d'entretenir la motivation.


Pour ce faire, il doit user des armes de la pédagogie du projet (objectif, plan d'action, mesure du résultat).


Tout d'abord, le pratiquant établit des objectifs clairs et mesurables (poids, performances). En tant que coach sportif, il est fréquent d'appeler à la raison et de modérer les attentes du pratiquants qui a des représentations faussées par le dopage, bien plus répandu qu'on ne le pense.


Puis, nous réfléchissons au plan d'action pour parvenir à ces objectifs (nombre de séances possible, plan diététique),


Enfin, de façon régulière, nous évaluons l'évolution des objectifs (prise hebdomadaire du poids à la maison, évolution des performances pendant les séances, faire le bilan des actions diététiques).


Comme me répète souvent un de mes clients : "toute performance mesurée s'améliore".


Romain




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